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Le système concentrationnaire nazi

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3. L’histoire des camps

Etape 1: la terreur politique et totalitaire : 1933-1937
Etape 2: 1938-1942
Etape 3: l’apogée des camps et la Solution Finale : hiver 41 – automne 44
Etape 4: la crise finale, automne 1944 – mai 1945

3.1. Etape 1: la terreur politique et totalitaire : 1933-1937

Entre l’arrivée d’Hitler au pouvoir début 1933 et l’Anschluss au printemps 1938, la priorité est donnée à la création de la Gestapo et des camps de concentration pour briser l’opposition communiste et socialiste, puis pour organiser la « terreur totalitaire ». Parallèlement, mais avec beaucoup plus d’hésitations et de tâtonnements, se met en place progressivement la lutte contre les Juifs.

3.1.1. Phase 1: la terreur politique : 1933-1934

3.1.1.1. Les lois d’exception

En 1933, l'Allemagne dispose d'un assez grand nombre de lieux de détention traditionnels (prisons et forteresses) mais ceux-ci ne permettent pas d'incarcérer d’importantes quantités de gens. Or c’est précisément à la « quantité » que le nazisme, dès la prise de pouvoir de Hitler, entend s’attaquer, combattre et exclure de la « Volksgemeinschaft » : opposants politiques d’abord, Juifs ensuite et enfin toute une série de « délinquants », déviants, marginaux, opposants religieux…

Pour organiser cette terreur et lui donner une apparence légale, Hitler, impose une législation d’exception : dès le 4 février, soit 5 jours après la prise de pouvoir, est publié le décret-loi sur « la protection de la nation allemande », restreignant les libertés de la presse, de parole et de réunion : Hindenburg autorise le pouvoir à interdire des journaux ou des rassemblements sous prétexte qu'ils diffusent de fausses nouvelles nuisant aux intérêts de l'Etat ou diffament les autorités et les fonctionnaires. Le 22, Goering créé en Prusse une force de police auxiliaire de 50 000 hommes, dont 40 000 sont des SA et de SS, et le reste des « Stahlhelm » ; il leur recommande l’usage « avec zèle » des armes... « fleißiger Gebrauch der Schußwaffe »... Il crée la Gestapo, avec le concours du policier Diels. Le 27, le Reichstag part en flammes.

Le lendemain, sur demande de Hitler, Hindenburg suspend par le décret sur « la protection du peuple et de l'État » la liberté des personnes, l’inviolabilité du domicile, la liberté d'opinion, de réunion, de presse, le secret postal et légalise l'internement préventif ou définitif d'individus jugés « dangereux »… Il ouvre la voix aux arrestations arbitraires et légalise celles de la nuit précédente. Il donne à la Gestapo le droit de procéder à des internements de sûreté dans un but « rééducatif » sans en référer à aucune autorité judiciaire et sans limitation de durée. Le paragraphe 2 du décret autorise l'intervention dans les Länder qui n'appliquent pas les mesures. Un autre décret instaure la répression contre la trahison envers le peuple allemand : le gouvernement est autorisé à poursuivre toute personne soupçonnée de s'opposer à lui. La presse anti-nazie est interdite, comme « Vorwärts », l’organe du parti SPD.

3.1.1.2. Les premiers camps

Les premiers camps « Wilde Lager » ou camps sauvages sont immédiatement créés par les SA. Le 8 mars, Frick, ministre de l'Intérieur, annonce la création de camps de concentration. Oranienburg ouvre le 20 mars, Dachau le 21 ; suivent Sonnenburg (3 avril), Sachsenburg (mai), Lichtenburg (13 juin), Papenburg (20 juin) et Brandeburg (1 octobre), et cela rien qu’en Prusse. A la fin mars existent déjà une cinquantaine de camps, car dans tous les Länder, les ministres nazis organisent des Gestapos locales et des camps de concentration, confiés le plus souvent aux SA, sauf en Bavière et en Hesse où la police tombe de suite entre les mains d’Himmler qui aussitôt fait appel à Heydrich et aux SS : le développement de Dachau y est si rapide et sa réputation si effroyable qu’il fait bientôt figure de modèle aux yeux des nazis et de l’opinion publique terrorisée.

Jusqu'en 1934, ces camps sont le lieu ou sont déportés les authentiques ennemis politiques du régime : il s’agit principalement des communistes, des socialistes et des sociaux-démocrates, qui par milliers prennent le chemin des baraques et des barbelés. L’intention est essentiellement politique : la détention devient l’arme par excellence contre les adversaires politiques. L’objectif reste celui d’un « humanisme minimal », car l’intention est certes de terroriser, mais aussi de rééduquer, de convaincre, de ramener dans le « droit chemin tracé par le Führer » tous ces opposants susceptibles d’être libérés un jour… « Il faut que ceux qui ont commencé à être rééduqués dans les camps de concentration, lorsqu’ils sont remis en liberté, prennent conscience qu'il ne sont pas abandonnés à eux-mêmes. J'attends des services locaux qu'ils prennent conscience de leurs responsabilités en tant qu'organes de l'Etat national-socialiste, et qu'ils n'abandonnent pas les anciens détenus. » (Göring, circulaire rédigée suite à l'amnistie de Noël 1933).

3.1.1.3. La mainmise progressive des SS

Pendant que les chefs du parti légifèrent à Berlin, la pratique dans les camps est toute différente : tout est fait, notamment avec les SS à Dachau, pour fanatiser les gardiens et briser les détenus par tous les moyens : faim, promiscuité, humiliations systématiques, coups, torture et surtout instauration du système des kapos et utilisation comme kapos de criminels de droit commun. Immédiatement, le système concentrationnaire trouve l’essentiel de ses méthodes et devient d’emblée un véritable enfer.

Comparés à Himmler et aux SS, Goering et les SA restent des amateurs. Tandis qu’Himmler tient ses troupes d’une main de fer, les SA sont trop bruyants, trop compromettants, trop indisciplinés. Jouant sur la rivalité entre SA et SS et sur la méfiance de plus en plus affichée de Hitler vis-à-vis de Röhm, Himmler réussit à supplanter progressivement tous ses rivaux et à se faire céder la direction de la police et des camps dans tous les Länder. Goering lui abandonne la Prusse dès 1934, pour sceller une alliance toute passagère contre Röhm et ses SA, peu avant la « Nuit des longs couteaux ». Cette évolution est renforcée par la volonté centralisatrice d’Hitler et par la suppression de l’autonomie des Länder. Elle sera parachevée par la nomination du Reichsführer SS à la tête de tous les services de police du Reich en 1936… Himmler est alors un véritable « patron » d’une organisation, elle-même véritable « Etat dans l’état »…

3.1.1.4. Eicke à Dachau

Totalement fidèle à Himmler, Théodor Eicke devient le commandant du KL Dachau en juin 1933, poste auquel il remplace le SS-Sturmbannführer Hilmar Wäckerle, tombé en disgrâce. Promu SS-Brigadeführer en janvier 1934, il reste à la tête du camp jusqu'au 09 mars 1934.

Eicke introduit ses propres méthodes d'administration de camp, avec sa directive « zur Aufrechterhaltung der Zucht und Ordnung », « Maintenance de la Discipline et de l'Ordre ». Il y met en place un règlement et un système de punitions allant jusqu'à la torture ou l'exécution sommaire des prisonniers. Il encourage les SS, les « SS-Totenkopfverbände », à se conduire brutalement et à se faire craindre des prisonniers. La terreur arbitraire et occasionnelle devient désormais une terreur quotidienne et organisée. Elle est la base même du système de fonctionnement de Dachau : les prisonniers n'y sont pas considérés comme des êtres humains, mais comme des « Stücke », des « Pièces ; ils ne portent plus de noms mais des numéros, des uniformes rayés et des bouts de tissus signifiant les causes de leur détention. Le travail forcé et la sous-alimentation deviennent de même des méthodes courantes permettant aux gardes SS fanatisés de mieux asservir leurs prisonniers…

Car Eicke s'intéresse autant à ses gardes qu'à ses prisonniers : il veut en faire des hommes d'élite dévoués à la cause nazie, les futurs soldats politiques du IIIè Reich, conscients de leur supériorité vis à vis des « Untermenschen » qu'ils surveillent. Eicke va jusqu'à faire organiser des formations traitant de l'histoire du N.S.D.A.P, du programme nazi et des ennemis de l'Allemagne hitlérienne. Parmi ces derniers, au premier rang, le Juif, le francs-maçons, le Bolchevique et l'Eglise. Violemment antisémite, Eicke fait distribuer à ses hommes de nombreux ouvrages et revues dont le très antisémite journal « Der Stürmer » de Julius Streicher. Dans les baraques, les cantines, les salles de repos, partout s'affiche la propagande antisémite nazie…

3.1.2. Phase 2: la terreur totalitaire : 1934-1937

3.1.2.1. La toute puissance de la SS

Après le 26 juin 1934, la « Nuit des longs couteaux », le camp prend une nouvelle fonction : il devient l'instrument de la terreur totalitaire, car toute opposition politique organisée a disparu et la « Gleichchaltung », la mise au pas, est pratiquement achevée, si ce n’est la résistance encore têtue des églises. L'état totalitaire est désormais en place selon sa logique propre : une disparition des distinctions politiques traditionnelles entre la vie publique et la vie privée, entre l'économie et la politique, entre le social et le politique. Le système se met à ressembler au « Goulag » stalinien. Désormais le camp exerce sur la société la terreur nécessaire pour la faire fusionner en cette masse unique susceptible de s'identifier au parti et surtout au chef. Plus que jamais, l'objectif du nazisme demeure l'expansion territoriale et la domination mondiale.

C’est aussi à ce moment que débute avec Himmler et les S.S. la première étape vers la terreur et la répression : Himmler va donner à son oeuvre une apparence d'empire féodal où la « race des Seigneurs » domine la masse servile. Le 9 juillet 1934, il obtient la direction des camps de concentration. Les camps sont désormais gérés par les unités SS qui arborent la tête de mort (« Totenkopfverbände »). En deux ans va se constituer le véritable système concentrationnaire. Le 17 juin 1936, sont associés à la S.S. tous les autres services contrôlés par Himmler : Gestapo, police politique, Kripo, service de sécurité (SD), service de renseignement... La SS est autonome de l'appareil d'Etat normal. Le 26 juin, Reinhard Heydrich reçoit la direction du Service de Sécurité, le Sicherheitsdients (SD) qui va semer la terreur au cœur de tous les Allemands. Le 10 octobre, un décret ordonne que la police politique du Reich ne relève plus de la compétence des Länder mais du seul ministre de l’Intérieur placé sous la responsabilité d’Himmler. Le 24 mai 1937, Himmler obtient des pouvoirs accrus et demande officiellement d’être l’égal du ministre de l’intérieur Wilhelm Frick, ce qui est accordé.

En janvier 1938, l’Etat Major de l’armée armée est épuré (Von Blomberg, Von Fritsch) : Himmler a les mains libres et obtient que la Gestapo et le service de renseignement du parti, le SD, soient regroupés au sein du RHSA (Office central de sécurité du Reich) et placés sous l’autorité de Heydrich, ce qui est fait en 1939. Cet empire est largement indépendant des structures de l'Etat et même des organisations « normales » de la NSDAP. A la veille de la guerre, les SS sont en passe de devenir les véritables maîtres de l’Allemagne, mais dans l’ombre du Führer.

3.1.2.2. Le rôle de Théodor Eicke

Début 1935, Eicke, qui dépend directement et uniquement de Himmler pour sa nouvelle fonction, entame une profonde refonte du système concentrationnaire. Installé à Oranienbourg, il ordonne la fermeture d'une myriade de petits camps de concentration, plus ou moins temporaires, et réunit ses 10 000 prisonniers (environ) dans de vastes camps. Il y en a alors sept : Dachau, Esterwegen, Lichtenburg, Sachsenburg, Columbia-Haus, Oranienburg, et Fehlsbüttel. Il met ensuite en place une politique d'agrandissement des KL existants, en ferme certains (Columbia-Haus) et surtout met en chantier de nouveaux camps comme Sachsenhausen (12 juillet 1936) et Buchenwald (1 août 1937). A partir de l'année 1936, son poste d'inspecteur couvre aussi les « SS-Totenkopfverbände », ce qui lui donne toute autorité pour mener à bien sa tâche. Avec l'Anschluss en mars 1938, Eicke entame la construction d'un nouveau camp : Mauthausen. En novembre, il commence la construction de Ravensbrück, spécialement destiné aux femmes…

Vis-à-vis des détenus, Eicke reprend l'organisation mise au point à Dachau : il généralise le travail dans tous les camps. Il fait ouvrir des ateliers dans lesquels les prisonniers, ouvriers spécialisés, passent des heures et des heures au travail (ateliers de cordonnerie, fabriques de matériel électrique, boulangeries…) Les autres détenus, ceux sans expérience professionnelle, sont employés à de durs travaux de terrassements ou dans des carrières… Ainsi le système concentrationnaire nazi devient aussi esclavagiste en constituant et organisant une armée d'esclaves. Le système prend une telle ampleur et les bénéfices financiers sont tels qu'en 1938 Himmler, méfiant, retire la responsabilité de ces véritables usines à Eicke pour la confier au SS-Gruppenführer Oswald Pohl. Ce qui d’ailleurs réjouit fortement Heydrich, qui voue à Eicke une haine farouche, au demeurant réciproque. Le 15 novembre 1939, Eicke quitte officiellement son poste d'inspecteur général des camps et des SS-Totenkopfstandarten et prend le commandement de la toute nouvelle SS-Division « Totenkopf ». Il sera tué sur le front est en 1943.

Eicke aura donné aux camps une impulsion fondamentale : Le camp ne sert plus uniquement à rééduquer. Il devient une source de financement, réservé à l'usage exclusif de la S.S. sur un mode de production féodale et artisanale (Himmler rêvait de faire reconstruire Berlin et Munich, en lien avec Speer). Peu à peu les pressions se font fortes pour que le système s'intègre à l'industrie et à l'économie de guerre. En 1937 et 1938 sont créées deux grandes firmes industrielles SS qui seront présentes dans les grands camps jusqu’en 1945 et emploieront jusqu’à la mort des dizaines de milliers de « Häftlinge » : la DAW, « Deutsche Ausrüstungswerke » produisant de l’armement et la DEST, « Deutsche Erd-und Steinwerke » fournissant essentiellement des matériaux de constructions (carrières, sablières…)

3.1.3. La lutte contre les Juifs

3.1.3.1. Les premiers tâtonnements : 1933-1935

Dès l’arrivée des nazis au pouvoir débute la lutte contre les Juifs. Mais elle se fait au départ sans plan préconçu et avec tâtonnement et hésitations… D’abord, tous les moyens de propagande contrôlés et animés par Goebbels se déchaînent contre eux. Dès le 27 février, suite à l’incendie du Reichstag, des centaines de Juifs sont arrêtés et maltraités. En mars et avril 1933, sous l’impulsion de Streicher et de Rosenberg, les SA organisent de bruyantes manifestations pour réclamer le boycott des magasins juifs. Le 28, Goebbels prépare le boycott des magasins, cabinets médicaux, cabinets d’avocats juifs, qui a lieu Le 1 avril à Berlin et spécialement en Franconie par les SA de Streicher… Dans la soirée les nazis organisent à Berlin une grande manifestation « contre les agissements des Juifs », afin d’« éviter que la population ne se livre spontanément à des débordements »… Mais la population ne bouge pas et de nombreuses protestations s’élèvent contre les brutalités anti-juives. Hitler fait stopper ce « mouvement spontané » et interdit les manifestations anti-juives.

Le Führer préfère de loin s’attaquer aux Juifs d’une manière rationnelle, réfléchie, systématique, en appliquant par décrets les principes de base de son idéologie désormais dominante : dès le 4 avril 1933 le président Hindenburg est obligé de signer la loi « Gesetz zur Wiederherstellung des Berufsbeamtentums » aussi nommé « Arierparagraph » : renvoi les fonctionnaires « d'ascendance non Aryenne » : toute personne comptant un juif ou plus parmi ses parents directs ou grands parents est immédiatement renvoyé de ses fonctions. Le président réussit tout juste à négocier avec le chancelier que les juifs anciens combattants de 14-18 soient maintenus leur poste jusqu'en 1935. De même, les propriétaires sont autorisés à résilier les baux de location consentis à des avocats juifs radiés. Le premier pas de l’exclusion légale est franchi. Les camps ne sont pas loin… Deux semaines plus tard, le 20 avril, un numerus clausus limite l’accès des écoles, lycées et universités aux Juifs. Le 19 juin, le SPD, qui vit ses dernières heures, fait un cadeau à Hitler : pour « survivre », il décide d'éliminer les juifs de sa direction ! Le 4 août, Nuremberg devient la première grande ville en Allemagne à interdire aux Juifs l’accès aux bains publics… Le 4 octobre, les rédacteurs en chef juifs sont exclus des rédactions des journaux, car désormais pour être rédacteur en chef, « il faut être politiquement et racialement insoupçonnable ». Le 13 mars 1934, les Juifs sont exclus de la Reichswehr ; Une année plus tard (31 mars 1935), les musiciens juifs professionnels sont interdits d’exercer… puis, le 10 août, il est interdit aux officiers d’état civil de marier des Juifs à des non-juifs et une personne « aryenne » à une personne « non aryenne »...

Il est vraisemblable que le gouvernement, trop préoccupé à consolider son pouvoir au détriment de l’opposition et des SA a d’abord laissé faire sans trop contrôler, se contentant d’intimider les Juifs et l’opinion et de procéder avec subtilité en incitant les démocraties à mettre une sourdine à leurs protestations et en leur rappelant que le Reich « détenait en otages » plus de 500 000 Juifs et plus de 300 000 convertis, demi-Juifs et quart de Juifs. « Les Juifs allemands doivent agir sur leurs congénères étrangers, autrement il leur en cuira ! » écrit Goebbels. C’est la raison pour laquelle les dirigeants nazis décident dans un premier temps de freiner leurs troupes pour préserver un semblant de légalité.

3.1.3.2. Les lois de Nuremberg et la constitution d’un « service anti-juif » : 1935

Le 15 septembre 1935, les lois de Nuremberg « pour la protection du sang allemand et de l’honneur allemand » « Gesetz zum Schutze des deutschen Blutes und der deutschen Ehre » privent les Juifs de leur statut de citoyens et interdisent les mariages mixtes et les relations sexuelles entre Juifs et « Aryens ». Une nouveau pas est franchi, celui de la légalisation de l’exclusion : il ne s’agit pas seulement d’abaisser les Juifs et de les priver de leurs droits, mais surtout de les marquer, de proclamer leur caractère maléfique et d’en faire des non-citoyens. Les brimades se multiplient progressivement et les décrets d’exclusion se mettent littéralement à pleuvoir.

Mais l’évènement le plus marquant de cette période est la constitution par Heydrich au sein de la SS de services spécialisés antijuifs servis par de jeunes officiers au sein du SD et de la Gestapo : bureau II 112 puis VI, section judaïsme du SD, bureau II B4, puis IV D4, puis IV B4 de la Gestapo, avec les Mildenstein, Wisliceny, Hagen, Lischka, Eichmann, Dannecker... Ce ne sont ni des assassins, ni des désoeuvrés, ni des anciens combattants en mal d’action, mais des hommes intelligents, cultivés, des organisateurs nés, convaincus de la nocivité des Juifs et de la nécessité de les éliminer, mais sceptiques devant les manifestations d’antisémitisme primaire par trop improvisées à la Streicher ; calculateurs froids, ils se penchent scientifiquement sur le « problème juif » et se rallient à la politique qui consiste dans un premier temps à poursuivre et à aggraver progressivement la persécution légale, sans violences inutiles, pour obliger les Juifs à émigrer en abandonnant leurs biens et leur honneur à leurs persécuteurs. Aussi, les violences physiques restent exceptionnelles jusqu’en 1938 et le camp reste encore à l’arrière plan, le temps que l’opinion s’accoutume à la campagne antijuive qui désormais porte le masque de la légalité.

Cette politique poussant les Juifs à émigrer va cependant se solder par un échec : profondément attachés à la patrie et à la culture allemandes, persuadés qu’Hitler finira bien par s’assagir, les Juifs allemands, dans leur majorité, préfèrent rentrer la tête dans les épaules, prendre leur mal en patience et attendre des jours meilleurs. De plus, à la même époque, la plupart des pays d’accueil ferment leurs portes les uns après les autres, malgré les protestations du Commissaire international aux réfugiés, Macdonald, qui finit par démissionner en guise de protestation (conférence d’Evian, juillet 1938). Suisse et Pologne ne veulent pas des Juifs. Les Etats-Unis se protègent par un système de quotas draconien. En France, qui accepte les Juifs, le climat n’es favorable ni aux Juifs, ni aux Allemands… En 1937, Hagen et Eichmann tentent de prendre contact avec les sionistes et rencontrent un envoyé de la Haganah à Haïfa (2 octobre 1937) ; mais ils se heurtent aux Anglais qui veulent limiter l’immigration en Palestine. Aussi en 1938, quand la situation se tend brusquement, moins d’un quart de Juifs avait choisi la sagesse d’émigrer. Et la plupart de ceux-ci s’installe très près du Reich, beaucoup trop près… Quant à ceux qui restent, il vont payer très cher, de leur vie, leur attachement à la patrie, qui tient de l’aveuglement…

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