SCHONGAUER Martin
1. L’école du Rhin Supérieur au XVè
De même que la seconde moitié du XVè siècle est dominée en Alsace sur le plan de la sculpture par la personnalité de Nicolas Gerhaert de Leyde, de même l'est elle en peinture et dans les arts graphiques par celle de Martin Schongauer.
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Caspar Isenmann : retable de la Passion pour saint Martin de Colmar. Détail : la Résurrection. Vers 1462-1465. Huile sur panneau de bois, 107 x 73 cm. Colmar, Musée Unterlinden. (Histoire de l’art) |
Le Rhin supérieur connaît, au XVè siècle une période de prospérité et d’épanouissement que d’aucuns qualifient de véritable âge d’or : dans la lignée du mouvement du « gothique international » qui se développe en Europe autour de 1400 et se caractérise par la souplesse des lignes et la préciosité des gestes, un courant réaliste et intimiste apparaît autour de 1450 dans l’art rhénan. Les artistes du Rhin supérieur, que l’on appelle souvent les « Primitifs rhénans », travaillent principalement à Strasbourg, surtout à Colmar, mais aussi à Fribourg-en-Brisgau et Bâle, et voyagent énormément, au gré des commandes.
Cette école très homogène est très marquée par l’influence des Flandres et produit de nombreuses œuvres, principalement des retables peints ou sculptés, offrant un riche déploiement de panneaux peints sur bois et de sculptures polychromes, de la fin du Moyen Âge à la Renaissance, le culte de la Vierge et des saints étant extrêmement répandu à cette époque.
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Hans Hirtz : scène de la passion du Christ. Panneau du retable de la Passion du Christ. Vers 1440. Huile sur panneau, 66 × 47 cm. Karlsruhe, Kunsthalle. (Histoire de l’art) |
Alors que le Gothique international présente surtout de délicates silhouettes sur fond or, cette école se montre beaucoup plus intimiste, plus réaliste, plus représentative d'un art de la mise en scène, voire plus caricatural : ainsi Hans Hirtz, surnommé le « Maître de la Passion de Karlsruhe », actif à Strasbourg entre 1461 et 1463 et créateur du retable de la Passion, peint autour de 1440 pour Saint-Thomas dont on aperçoit la silhouette dans le fond du paysage du Portement de croix ; ainsi le retable de Stauffenberg (1460) pour les Antonins d’Issenheim ; ainsi le retable de la Passion de Gaspar Isenmann (1465) pour saint Martin de Colmar : dans un paysage à l'imagerie appliquée, réaliste, d'une simplification apparentée à celle des décors de théâtre, et tout baigné d'intimité austère, les personnages sont campés avec une élégance de maintien et de draperies, un souci de style qui trahissent les emprunts fécondants de l'art flamand.
Il est possible qu’Isenmann fut le maître et l'initiateur de Martin Schongauer, ce qui montre que cette évolution constante, de Hirtz à Isenmann et Schongauer a permis de dégager un art souverain dans l'écriture, auquel la mystique haut rhénane, intense et poétique, devait en un dernier éclat sans doute apporter à ce dernier, à « hipsch Martin », la consécration de « pictorum gloria ».
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