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Strasbourg : la ville au Moyen Age (Alsace)

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2. Le Moyen Age : la ville épiscopale : 1002-1334

La ville sous l’épiscopat de Wernher
Strasbourg et la querelle des investitures
La montée en puissance du chapitre cathédral : 1131-1262
La lutte de la bourgeoisie contre l’évêque

2.4. La lutte de la bourgeoisie contre l’évêque

2.4.1. Le développement de la ville et le premier statut municipal

Maître temporel, l’évêque prend rang de prince et les chanoines se recrutent le plus souvent dans la noblesse, noblesse laïque qui elle-même se développe dans la cité...mais les habitants supportent mal la tutelle de leur seigneur-évêque : dès 1094 l’évêque Otton de Hohenstaufen, sans doute par opportunité politique e, pleine querelle des investitures, cède aux bourgeois de sa ville le droit d’élire des conseils chargés de l’administration intérieure de la ville.

Or, à partir du XIIè siècle (et jusqu'au milieu du XVè siècle), Strasbourg entre dans une des plus grandes phases d'urbanisation de son histoire. D’abord sous l’action de l'Eglise puis sous celle de la bourgeoisie, formée de commerçants et d’artisans, la société qui est en train de naître ne cesse de s'étendre par cercles concentriques, appelant à elle toujours plus de biens et plus d'hommes. Au début des années 1100, le premier agrandissement de Strasbourg est le signe tangible de la croissance d'une cité encore dominée par l'évêque : les fonctions artisanales et domestiques se développent, entraînant l'expansion des différents quartiers et leur assimilation au cœur d'une seule et même enceinte. Une nouvelle enceinte est ainsi créée : elle prend appui sur le rempart romain, puis s'étire à partir de l'actuelle place Broglie, longe les rues de la Mésange, de la Haute-Montée et du Vieux-Marché-aux-Vins avant de rejoindre Saint-Pierre-le-Vieux. De 1200 à 1220, une seconde extension porte les limites de la ville au canal du Faux-Rempart et aux Ponts-Couverts. Cette enceinte qui a une valeur symbolique tout autant que stratégique, délimite une ville de 10 000 habitants.

L’extension de la ville de Strasbourg depuis l’empire romain au second Reich
L’extension de la ville de Strasbourg depuis l’empire romain au second Reich

Ainsi, face à l'ancien camp romain tenu par l'évêque, la ville de Strasbourg, par l’action de ses patriciens et bourgeois affirme aux XIIè et XIIIè siècles son identité communale par l’érection de quelques monuments publics autour de la place Gutenberg : l'ancienne Pfalz, la chancellerie, la monnaie et l'église Saint-Martin, édifice roman dont le plan a partiellement pu être établi. Ainsi coexistent à cette époque une ville de l'évêque, correspondant à l'intérieur de l'ancien castrum, et une ville bourgeoise dont le pôle est l'actuelle place Gutenberg. Il existe bien entendu d’autres quartiers très anciens comme Saint-Pierre-le-Vieux, Saint-Michel ou Sainte Aurélie, mais les données archéologiques sont encore trop fragmentaires pour s’en faire une idée assez précise à cette époque.

Politiquement, vers 1131-1132 (certains historiens penchent pour 1146-1147), après les droits accordés par l’évêque Otton en 1094, les bourgeois arrachent à leur seigneur évêque un « premier statut municipal », alors que peu avant (1129) ils avaient obtenu de l’empereur Lothaire III de Supplimbourg d’être affranchis de toute juridiction étrangère. Ce premier statut municipal distingue deux catégories juridiques d'habitants :

  • les membres de la « familia episcopalis », les ministériaux ;
  • les bourgeois (cives ou burgenses).

Parmi les officiers ministériaux, se trouvent l'avoué (l'Eglise ne peut verser le sang) nommé avec l'approbation du Conseil de l'évêque, l'écoutète, juge de basse-justice, le burgrave, sorte de surintendant des bâtiments et fortifications, le tonloyer qui perçoit les taxes, le maître de la monnaie qui régit l'atelier de Strasbourg où se frappent deniers et oboles d'argent.

2.4.2. Le déclin du pouvoir épiscopal

Le déclin du pouvoir épiscopal s'affirme à la fin du XIIè siècle, lié en partie aux évènements du « Petit interrègne » : la mort en 1197 de Henri VI de Hohenstaufen, fils de Frédéric I Barberousse (1147-1190) à Messine déclenche une terrible lutte pour la succession au trône impérial entre son frère, Philippe de Hohenstaufen (1177-1208), duc de Souabe et d'Alsace, et Othon de Brunswick, l’autre prétendant. Le pape Innocent III (1198-1216) prend position en faveur des Welfs (Guelfes, ennemis jurés des Hohenstaufen), reconnaît Othon IV comme roi d'Allemagne et frappe d'excommunication Philippe de Souabe et ses partisans.

A Strasbourg, les bourgeois, que Frédéric I Barberousse (1167-1190) avait toujours favorisés, prennent le parti du Hohenstaufen tandis que l'évêque de Strasbourg Conrad de Hunebourg (1190-1202) apporte son soutien à Othon de Brunswick. L'Alsace se trouve plongée dans une longue suite de guerres féodales. Philippe de Souabe dévaste l’Alsace, met le feu au château de Haldenburg (Mundolsheim), appartenant à l’évêque de Strasbourg, ravage la Robertsau et assiège Strasbourg en 1198, obligeant l'évêque à capituler. Disposant du soutien du Roi de France Philippe Auguste, il réussit à se concilier le pape et est couronné empereur en 1198.

Philippe de Souabe. Statue de la Steinerne Brücke, Ratisbonne, vers 1207
Philippe de Souabe. Statue de la Steinerne Brücke, Ratisbonne, vers 1207

2.4.3. Le second statut et le conseil du municipe

2.4.4. Walther (Gauthier) de Hohen-Geroldseck

Après 1258 la lutte devient plus âpre entre l'évêque et le Conseil des bourgeois au sujet de leurs droits respectifs. D’autant que la mort de Frédéric II fin 1250 avait ouvert une crise de successions sans précédent dans l’empire. Parmi les prétendants, le prince anglais Richard de Cornouailles exerce depuis 1256 une influence prépondérante dans les affaires d’Alsace. Il s’allie l’appui de l’évêque de Strasbourg, le rétablit dans ses prérogatives de comte de Strasbourg et le nomme bailli impérial à Haguenau : comme de plus, l’évêque est « de jure » landgrave d’Alsace, ce cumul des pouvoirs inquiète non seulement les bourgeois de Strasbourg, mais toutes les villes d’Alsace récemment indépendantes… L’évêque de Strasbourg est alors au faîte de sa puissance : outre ses possessions temporaires (12 baillages et trois comtés avec plus de 150 000 habitants, 41 châteaux, 4 000 cavaliers et 12 000 fantassins)…

La situation se tend encore en 1260 : le chapitre cathédral élit à la succession de Stahleck le prévôt Walther (Gauthier) de Hohen-Geroldseck, 29 ans, un jeune ambitieux qui entend mettre à raison non seulement les bourgeois de Strasbourg, mais aussi ceux de Colmar et de Mulhouse, et rétablir ainsi une autorité absolue digne de son ambition sans bornes. Contre l’avis de son oncle, lui aussi membre du chapitre, Henri de Geroldseck, qui recommande la sagesse et préconise l’entente avec les bourgeois. Sitôt installé sur le trône épiscopal, Gauthier lance, en allemand, un manifeste de griefs à l'égard des bourgeois, véritable déclaration de guerre : il veut rétablir dans toute leur rigueur ses droits temporels de comte-burgrave de Strasbourg. Pour ce faire, il menace d’user de tous les moyens de contrainte que lui confère son autorité épiscopale, au premier rang desquels l’interdit et l’excommunication.

Blason de Walter de Geroldseck
Blason de Walter de Geroldseck

Voici quelques unes de ces prérogatives édictés en 982 à Salerne par l'empereur Othon II au bénéfice des comtes-évêques de Strasbourg, que Gauthier entend rétablir :

  • Article 88 : « Les négociants de la ville fourniront 24 messagers à cheval pour faire les courses du comte-évêque. Les bourgeois seront tenus d'héberger et de nourrir à leurs frais les destriers de la cavalerie épiscopale et les chevaux de l'empereur et de sa suite, toutes les fois que le monarque passe à Strasbourg.
  • Tous les bourgeois devront cinq jours de corvée à l'évêque. »
  • Article 102 : « Les pelletiers seront chargés de confectionner et de réparer les fourrures dont le seigneur-évêque a besoin, à charge au maître de cette corporation de faire les achats de peaux sur les marchés de Mayence et de Cologne.
  • Lorsque l'évêque entre en campagne, chaque maréchal-ferrant devra lui livrer gratuitement 4 fers à cheval avec les clous nécessaires ainsi que 300 flèches d'archers et leur corporation sera tenue d'exécuter sans rémunération tous les travaux de ferronnerie dans le château épiscopal. »
  • Articles 108 et 109: « Obligation sera faite aux cordonniers de fabriquer gratuitement des étuis en cuir noir et aux gantiers des étuis en peau blanche pour le transport de l'argenterie lorsque l'évêque se rend à la Cour impériale. Les selliers fourniront à cette occasion 2 selles de bât et 4 quand l'évêque part en guerre. »
  • Article 111 : « Les armuriers devront polir les casques, les cuirasses et fourbir les armes de guerre et de chasse à l'usage du comte-évêque et de ses hauts fonctionnaires. Les fabricants de gobelets seront appelés à livrer à leurs frais tous les objets de vaisselle des châteaux épiscopaux et des cantines de guerre. »
  • Article 113 : « Les tonneliers de la ville seront tenus de fabriquer gratuitement à l'évêque (ainsi qu'à l'empereur et à l'impératrice de passage) les tonneaux, cuves, vannes de bains, etc... qu'on exigera d'eux. Les marchands de vin et les gourmets auront à charge l'entretien des celliers et des greniers épiscopaux. »
  • Article 115 : « Chaque lundi de la semaine les charpentiers seront requis d'office pour les travaux de constructions épiscopales.
  • Lors d'une visite de l'empereur, toutes les réquisitions d'objets, de denrées, et de prestations de services seront imposées de droit à tous les ressortissants de la classe laborieuse. »…

2.4.5. Hausbergen, l'heure de la liberté pour la ville

Immédiatement, les incidents entre l’évêque et la ville se multiplient. En vain le magistrat et les bourgeois plaident-ils la cause de leur ville, exhibant les lettres patentes de ses privilèges acquis ; l'évêque reste intraitable. L'épreuve de force devenant inévitable, on se prépare à la guerre de part et d'autre. Un premier acte d'hostilité survient le lendemain de la Pentecôte 1260, lorsque les Strasbourgeois détruisent la vigie épiscopale du Haldenberg, sur la colline d'Oberhausbergen. Gauthier de Geroldseck riposte en mettant la population de la ville au ban de l'Église, enjoignant aux membres du Grand Chapitre de quitter la cité pour Dachstein, afin de priver ses habitants du secours de la religion. Les chanoines obtempèrent, à l'exception de deux : Bechtold d'Ochsenstein, un vieillard impotent et Henri de Geroldseck, le cousin savernois de l'évêque qui avait pris parti pour la population. Avec les chanoines du Chapitre, 60 nobles, commensaux de l'évêque désertent également leurs foyers, emportant avec eux le Trésor municipal. Les bourgeois strasbourgeois s'empressent de piller les maisons abandonnées et de les démolir.

La bataille de Hausbergen d’après une aquarelle de E. Schweitzer tirée de Strasbourg Historique et pittoresque d’A. Seyboth (1894)
La bataille de Hausbergen d’après une aquarelle de E. Schweitzer tirée de Strasbourg Historique et pittoresque d’A. Seyboth (1894)

Replié à Molsheim, Gauthier de Geroldseck mobilise ses alliés. L’évêque de Trèves envoie une armée forte de 1 700 guerriers qui cantonne aux abords de Strasbourg ; l'abbé de Saint-Gall en Suisse, celui de Murbach, le comte Rodolphe de Habsbourg, landgrave de Haute-Alsace, ainsi que tous les hommes-lige de l'évêque en Alsace arrivent en renfort dans le camp épiscopal établi à Holzheim. Après avoir investi le château de Lingolsheim, les forces coalisées des nobles ouvrent le siège de la ville en déployant leurs effectifs entre Eckbolsheim et Kœnigshoffen.

Débute alors une « drôle de guerre » sans accrochage sérieux, fait de coups de mains et d’escarmouches… ainsi en juillet 1261 les bourgeois strasbourgeois enlèvent à l'évêque de Trèves un lourd convoi chargé d'armes et de munitions et capturent 60 chevaux de leurs poursuivants, laissant trois morts sur le terrain. Cette échauffourée est suivie d'un armistice pour la rentrée des récoltes. Pendant cette trêve le comte Rodolphe de Habsbourg, landgrave de Haute-Alsace, change de camp. Il entre dans la ville et jure une alliance avec les Strasbourgeois, qui le nomment Commandant suprême de la place forte, le 18 septembre 1261.

En diversion, l'évêque Gauthier de Géroldseck porte alors la guerre en Haute-Alsace, attaque Kaysersberg, investit Colmar et Mulhouse et fait détruire les faubourgs de la cité assiégée. En représailles, les Strasbourgeois tombent nuitamment sur les quatre villages épiscopaux de Wolfisheim, Breuschwickersheim, Schaefelsheim (Oberschaeffolsheim) et Achenheim qu’ils incendient. Quinze soldats de la milice des bourgeois qui s'étaient attardés dans une cave de Wolfisheim pour boire, sont surpris par des cavaliers de l'évêque qui les mettent à mort après leur avoir coupé les mains et les pieds.

Après deux années de cette guerre d'usure, sonne l'heure de l'ultime affrontement. Il a lieu à Oberhausbergen, le « Crécy alsacien », le 8 mars 1262. Un incident mineur à Mundolsheim tourne à la bataille rangée. Trop confiant dans sa lourde cavalerie, l’évêque charge la milice à pied de la ville sans attendre son infanterie : c’est un désastre : la cavalerie épiscopale est culbutée et près de 70 nobles ne se relèveront pas. L’évêque est obligé de fuir et se retire à Molsheim, abandonnant ses prérogatives sur la cité. Il meurt l’année suivante à 32 ans, de rage, dit-on…

Sceau de Walter de Geroldseck
Sceau de Walter de Geroldseck

La paix, conclue entre la ville et le nouvel évêque Henri de Géroldseck, cousin du défunt, confirme le 21 avril 1263 l'indépendance complète du Conseil ; les prétentions ducales passées et futures de l'évêque de Strasbourg sont déclarées nulles et irrecevables ; désormais Strasbourg est une ville libre et son avenir confié à son seul Conseil. De plus, la gestion de l'œuvre Notre-Dame, chargée de la construction et de l'entretien de la cathédrale est retirée à l'évêque et confiée au grand-chapitre ; l'interdit n'est levé que le 23 juin 1265 mais, dès avant cette date, est éteinte la domination épiscopale sur la cité. Cette bataille n’est qu’une étape, car les bourgeois, force économique de la ville, veulent aussi se libérer de la tutelle insupportable de la noblesse strasbourgeoise que la victoire sur l’évêque a grisée.



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