Après un Xè siècle troublé l'Alsace connaît un renouveau intellectuel et artistique, qui ira s'amplifiant jusqu'à l'épanouissement du XIIIè. Cet essor de la civilisation demeure essentiellement l'œuvre des clercs. A partir du XIIè, l’histoire de l’art est donc bien mieux connue à Strasbourg et fournit des témoignages biens plus riches.
De la peinture ne reste pratiquement rien, hormis les dessins du chef-d’œuvre qu’est de l'Hortus Deliciarum. A la charnière entre le XIIè et le XIIIè siècle, l'Hortus, disparu dans l'incendie de la Bibliothèque municipale de Strasbourg en 1870, est une vaste compilation élaborée par les abbesses Relinde et Herrade de Landsberg, morte en 1195, pour l'instruction et l'édification des nobles moniales du couvent de Hohenburg.
| L’échelle céleste. Hortus Deliciarum, après 1150. Folio 125v, d’après le calque réalisé par M.C. Engelhardt avant la destruction du manuscrit |
|
| La personnification de l’Eglise telle que la représente l’Hortus Deliciarum |
|
Le milieu stylistique de cette somme est manifestement strasbourgeois, et le manuscrit fut vraisemblablement réalisé dans un scriptorium strasbourgeois. Cette œuvre considérable suppose une tradition d'enluminure fortement enracinée dans la ville. Il y a en effet une parenté évidente entre les dessins de l’Hortus et les cartons des maîtres verriers auxquels, à la fin du XII° siècle, l'Evêque passera commande pour sa cathédrale. Dans certaines verrières de la cathédrale, notamment au transept nord, les auteurs des cartons des vitraux sont sans doute issus du même atelier que les peintres enlumineurs de l'Hortus : longues figures aux draperies souples, très byzantines, imagerie attentive aux choses de la nature, de la vie des hommes et aux desseins de Dieu ; de même, les deux roses de l'Ancien et du Nouveau Testament du croisillon sud du transept de la cathédrale interprètent littéralement les roses de l'Hortus. Il n'est pas jusqu'aux enluminures, très courtoises, très élégantes, de Tristan et d’Isolde de Gottfried de Strasbourg qui, dans un mouvement tendant à l'expressivité baroque, se réclament de cette continuité (vers 1240).
| Esther et Mardochée. Le repas. Hortus Deliciarum |
|
| Au registre supérieur, le Christ en majesté. Au registre médian ; le duc Etichon confie à sa fille Odile le Monastère « Hohenburge » qu’il vient de fonder |
|
| L’Hortus Deliciarum : le baptême du Christ |
|