Les grandes idées agitent toute l'Europe littéraire et artistique et sont en opposition. Le néo-classicisme est attaché aux règles et à la tradition antique, bientôt figé dans un académisme qui se maintiendra tout au long du siècle. Le romantisme, « chaos » selon Delécluze, mais bouleversement généreux et dynamique, est né peut-être avec l'antirationalisme du « Sturm und Drang », l'idéalisme des philosophes allemand, le lyrisme des poètes anglais ; il emporte l'Europe, blessée encore des guerres napoléoniennes, dans un pessimisme nostalgique et mystique qui, refusant les « lumières » du XVIIIè siècle et, cherchant ce « sublime » déjà noté en 1756 par Edmond Burke, soupire après un Moyen Âge chrétien idyllique, une poésie qui touche la sensibilité et de grands mythes émotifs (Dante, Milton Shakespeare). Seuls Goethe et, dans une certaine mesure, Beethoven échappent à l'épidémie romantique qui jette les jeunes écrivains ou artistes dans une furieuse opposition sociale (Shelley, Byron), dans un désespoir qui les conduit souvent à la mort très jeunes (maladie de Keats, Leopardi, Schumann, Chopin, suicide de Kleist ou de Gérard de Nerval, duels de Pouchkine (1799-1837), de Lermontov, du mathématicien Evariste Galois), ou les fait errer, pour bercer leur « mal du siècle » ou leur « ennui », de dépaysements en dépaysements, jusqu'en Grèce, en Palestine (« Childe Harold » de Byron, qui sera l'évangile de toute une génération), en Orient, en Afrique… Les guerres de la Révolution et de l'Empire, par le climat tragique, exaltant qu'elles créent, répandent le goût de la mort, des grands mythes terrifiants, dont le Saturne, peint par Goya aux murs de sa maison, et l'Attila de Delacroix, au Palais-Bourbon, restent les plus grandioses images.
| Johann Wolfgang Goethe par Joseph Karl Stieler, 1828 |
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| Ludwig van Beethoven par Joseph Karl Stieler |
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| Percy Bysshe Shelley |
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| George Gordon Byron |
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| Gérard de Nerval |
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| Heinrich von Kleist |
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| Alexandre Pouchkine par Vasily Tropinin |
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La grande découverte du romantisme, c'est la nature dans son immensité et dans sa vérité. Le paysage devient effusion sensible : peintres, poètes, musiciens aiment et chantent une nature tourmentée, violente, à la mesure de Dieu et non plus des hommes, où les orages « désirés », les coups de lumière créent un climat inquiétant, qu'on aime retrouver dans les précurseurs hollandais Rembrandt, Ruysdaël ou Van Goyen.
A l'époque néo-classique, il y a encore des artistes qu'on peut dire « européens » : des artistes français, Percier et Fontaine, des sculpteurs, l'Italien Canova, le Danois Thorvaldsen… mais à partir de 1830, la recherche de l'originalité et de l'individualisme domine. Si Goya, ce précurseur, est mort en 1828, Delacroix dresse la « Liberté sur les barricades » en 1830, et Victor Hugo (« Préface aux poèmes de Ch. Dovalle ») déclare : « Le romantisme... n'est à tout prendre... que le libéralisme en littérature... La liberté dans l'art, la liberté dans la société... voilà la double bannière qui rallie... toute la jeunesse... d'aujourd'hui. »
| Antonio Canova : autoportrait. 1792 |
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| Carl Joseph Begas: Bertel Thorvaldsen. Vers 1820. Huile sur bois, 47 × 37 cm. Saint-Pétersbourg, musée de l’Ermitage |
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| Victor Hugo |
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La philosophie voit triompher la pensée idéaliste allemande dans la première moitié du siècle, avec un réveil de la métaphysique, tandis qu'en France l'idéologie issue de Condillac exerce son influence sur les Italiens (Leopardi) et réalise le passage du XVIIIè siècle au positivisme ; un seul grand esprit, Maine de Biran, annonce la philosophie moderne. Les Anglo-Saxons sont divisés entre l'utilitarisme des Ecossais (J. Bentham, W. Hamilton et le spiritualisme de Coleridge et Carlyle. Les réformateurs sociaux (Saint-Simon, Auguste Comte, Fourier, Proudhon) se préoccupent d'abord des conséquences du machinisme. Le socialisme utopique des Français passe en Allemagne, où Karl Marx et Friedrich Engels publieront, en 1847, le « Manifeste communiste ».
| Pierre Maine de Biran (1766-1824) |
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| Monument à Karl Marx et Friedrich Engels à Berlin |
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