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Auschwitz, camp de concentration nazi

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7.1. Les rescapés

Vivre au camp
« Prominents » et bons kommandos
Le « Musulman »
Le travail
Les exécutions
Les sélections
Les expériences médicales

7.1.4. Le travail

7.1.4.1. Le Kommando Königsgraben par Moshé Garbarz

« Je me souviens de Königsgraben (les carrières du roi), peut-être un des pires Kommandos (…) Nous transportions de la terre dans une sorte de brouette sans roues, un peu comme une chaise à porteurs, un devant, un derrière. Il fallait courir. Souvent la charge dépassait nos forces : un gars tombait. Alors le Kapo frappait, non pas l’homme à terre, mais le coéquipier plus costaud et encore debout, pour le monter contre son camarade moins solide. Parfois la manoeuvre réussissait (…) »

« Dans ce Kommando, nous ne rapportions pas à dos d’homme les morts et les blessés au camp. Ils étaient trop nombreux. Un camion venait les ramasser pêle-mêle. »

Moshé Garbarz 48 950, Auschwitz II – Birkenau.

7.1.4.2. Le Strafkommando et le Königsgraben par Jôzef Kret

En mai 1942, la compagnie disciplinaire fut transférée à Birkenau et installée au block I dans le camp des hommes. Un ancien déporté, Jôzef Kret, écrit :

« le block faisait penser à un terrier puant. Des nuages d'épaisse poussière de paille en augmentaient encore l'obscurité habituelle. Cette poussière, comme un brouillard épais, grouillait d'une fourmilière humaine semblable à un nid d'insectes »

« A Birkenau, la compagnie disciplinaire « Strafkommando » était employée à creuser le fossé central de drainage dit Königsgraben. C'était un endroit connu de meurtres barbares. Et c'est là précisément qu'eut lieu le 10 juin 1942 une révolte ouverte avec évasion de prisonniers. Profitant de la confusion créée par une brusque averse, une partie des prisonniers décidèrent de saisir l'occasion qui se présentait et, sans tenir compte du danger qu'ils encouraient de la part des SS et des Kapos, s'élancèrent pour se sauver. Après le moment de surprise, les SS ouvrirent le feu sur les prisonniers et, secondés par les Kapos, réussirent à dominer la situation. Treize prisonniers furent tués, mais neuf avaient réussi à fuir. Les SS sous les ordres du Kommandoführer Otto Moll, firent courir les autres jusqu'au camp. Le jour suivant une enquête improvisée eut lieu dans la cour de la compagnie disciplinaire. Devant le refus de donner des explications, le chef du camp, SS-Hauptsturmführer Hans Aumeier, abattit dix sept prisonniers, le SS-Hauptscharführer Franz Hössler, trois. Les 320 autres, les mains attachées avec du fil de fer barbelé, furent bousculés jusqu'à la chambre à gaz et tués. A leur place on envoya de nouveaux prisonniers à la compagnie disciplinaire.

Le travail entamé pour creuser le Königsgraben se poursuivit. Tous les jours, en rentrant au camp, la colonne des prisonniers de la compagnie disciplinaire traînait une voiture pleine de cadavres… »

7.1.4.3. Monowitz par Serge Smulevic

Serge Smulevic est né le 6 avril 1921 à Varsovie. Sa famille s’installe en France, à Thionville en 1925. De 1935 à 1939, Serge fait ses études aux Beaux Arts de Strasbourg dont il est diplômé. En 1942 il entre dans la résistance aux FTP à Grenoble. Arrêté le 24 août 1943 sur dénonciation à Nice, il est incarcéré et livré à la Gestapo le 1 décembre 1943, emmené à Drancy et de là déporté à Auschwitz le 16 décembre 1943. Sélectionné pour le travail, il est affecté à Monowitz…

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Serge Smulevic

« Les latrines étaient composées de planches dans lesquelles étaient simplement percés des trous. On était assis les uns à côtés des autres et il fallait faire très attention de ne pas tomber, car derrière nous et en dessous de nous c’était le vide rempli de m… Il arrivait que des Kapos, en rigolant, poussaient l’un ou l’autre pour s’amuser. Il y avait la place pour environ une soixantaine de personnes dans ce local.

Dans la salle des lavabos, qui était très grande, il y avait, si mes souvenirs sont bons, quelques douches rudimentaires. Mais ce local, dès la rentrée du travail, avant, mais surtout après la distribution de la soupe, servait de lieu de rencontre pour tous ceux qui avaient quelque chose à échanger ou à trafiquer. Toutes les transactions se faisaient là, c’est pour cela qu’on l’appelait « la Bourse ».

Le Block n°24 était réservé aux déportés qui étaient atteints de la gale. Ils y étaient soignés et y séjournaient jusqu’à ce qu’ils soient guéris. Quelques uns avaient demandé à y rester et avaient obtenu l’autorisation, comme moi. Le chef de ce Block, Walter Marx, un ancien de Buchenwald, homme déjà assez âgé et qui avait même été interné à Dachau, bien avant, est resté chef de ce Block jusqu’au 18 janvier 1945, date à laquelle il a fait la marche de la mort, à nos côtés.

Le bordel, qui a été supprimé vers juin ou juillet 1944, était bien entendu isolé des autres Blocks par des grillages en barbelés. Seuls y avaient accès, pour faire ce qu’ils avaient à y faire (et ils faisaient « la queue »…) les déportés non-juifs, et qui avaient suffisamment de « Prämienschein » c’est à dire de « bons de prime » d’une certaine valeur (que je ne connais pas).

L’endroit indiqué « potences » était réservé aux pendaisons. Les SS pouvaient y dresser jusqu’à cinq potences pour y exécuter les pendaisons (sort réservé aux déportés qui avaient fait une tentative d’évasion et avaient été repris). Les pendaisons avaient toujours lieu après l’appel du soir, et avant la distribution de la soupe. Après les pendaisons nous devions obligatoirement défiler devant les pendus.

Les « écritures », ou en allemand « Schreibstube » étaient un bureau où travaillaient plusieurs déportés connaissant bien les langues, et où avaient lieu toutes les inscriptions relatives au travail, aux changements d’un commando pour un autre, d’un Block vers un autre, etc … bref tout ce qui concernait les questions administratives, ainsi que l’enregistrement des noms des nouveaux déportés qui étaient mis en quarantaine.

L’estrade « Orchestre » était assez grande pour pouvoir contenir dix à douze musiciens et il y avait un piano au fond l’estrade, qui était recouverte pour les jours de mauvais temps.

Juste devant cette estrade s’en trouvait une autre, également recouverte, sur laquelle se tenaient les officiers SS du camp, ainsi que le Chef du camp (« Lagerältester ») et le chef des Kapos. C’est à partir de cet endroit que les déportés étaient comptés en sortant du camp pour aller travailler à l’usine. Une fois le matin et une fois le soir. A cet effet ils sortaient, alignés par cinq, au pas cadencé, et au son des marches militaires que jouait l’orchestre. Le Capo du commando en tête de son commando, marchant devant et à gauche, annonçait à haute voix, le numéro de son commando et le nombre de déportés qui le composaient.

Il y avait un espace vert, réservé à une immense tente qui était édifiée lors d’un « arrivage » Et où l’on mettait les nouveaux arrivés en quarantaine pour deux ou trois jours. Le temps d’être désinfectés, tatoués et inscrits à la « Schreibstube »

Le lieu appelé pompeusement « Piscine » était en fait un bassin contenant une réserve d’eau. Les SS y ont toutefois fait nager le champion du monde natation de l’époque, Nakache, juif nord africain. »

7.1.4.4. Une journée à la Buna par Primo Lévi

Primo Lévi décrit comme suit une journée passée sur les chantiers de la Buna :

« Quand il pleut, on voudrait pouvoir pleurer. Nous sommes en Novembre, il pleut déjà depuis dix jours, le sol est boueux comme le lit d'un marais. Le bois a une odeur de champignon moisi.

Si je pouvais m'écarter de dix pas, je serais sous le hangar à l'abri. Un sac suffirait à me protéger les épaules ou encore un bout de chiffon sec que je pourrais glisser entre ma chemise et mon dos. Entre deux pelletées, je repense au chiffon et au plaisir réel qu'il me donnerait.

Maintenant nous sommes trempés, on ne saurait l'être davantage. Je tâche de bouger le moins possible et surtout d'éviter les nouveaux mouvements capables de mettre mes vêtements glacés et trempés en contact avec ma peau aux endroits où elle est sèche.

Heureusement, il n'y a pas de vent aujourd'hui. C'est curieux, mais on a toujours l'impression d'avoir de la chance, il semble que nous bénéficions toujours d'une circonstance heureuse pour nous retenir au bord du désespoir et nous permettre de vivre. Il pleut mais il n'y a pas de vent. Ou bien, il pleut et il vente mais on sait que le soir on aura un supplément de soupe et on reprend courage pour attendre le soir. Ou encore il pleut, il vente et on a faim ; à ce moment-là on se persuade qu'il suffit de vouloir et qu'on peut toujours aller toucher les barbelés électriques ou se jeter sous un train. Il en aurait fini de pleuvoir.

Depuis ce matin, nous sommes dans la boue, les jambes écartées et les pieds vissés dans le sol gluant. Je suis à mi-hauteur du fossé, Kraus et Clausner sont au fond, Gounan est au-dessus de moi, au niveau du sol. Il regarde autour de lui et, par monosyllabes, avertit Kraus de presser le rythme ou de se reposer. Clausner pioche, Kraus me passe les pelletées de terre et, à mon tour, je soulève cette terre jusqu'à Gounan qui l'entasse à côté de lui. Des prisonniers font la navette avec leur brouette et portent la terre je ne sais où ; d'ailleurs, cela ne nous intéresse pas, aujourd'hui notre univers se réduit à ce trou boueux.

Kraus a manqué son coup, la boue jaillit et vint m'éclabousser les genoux. Ce n'est pas la première fois que ça lui arrive et je lui demande de faire attention, mais je n'ai pas d'illusions : Kraus est Hongrois, il comprend très peu l'allemand et ne sait pas un mot de français. Il est très grand, porte des lunettes et a un drôle de petit visage tout tordu : on dirait un enfant quand il rit, et il rit souvent. Il travaille trop et trop énergiquement, il n'a pas encore appris nos ruses sournoises pour économiser nos forces : notre haleine, nos mouvements, nos pensées mêmes. Il ne sait pas qu'il vaut mieux se laisser frapper ; les coups n'entraînent pas la mort alors que la fatigue tue. Il croit encore... oh ! non, le pauvre, ce n'est pas un raisonnement que le sien, ce n'est que sa sotte honnêteté de petit paysan, il croit qu'ici aussi, il est honnête et logique de travailler et que plus on travaille plus on gagne, plus on mange.

  • Regardez-moi ça! Pas si vite, idiot ! Peste Gounan

    Il se rappelle qu'il doit traduire en allemand. « Langsam, du blöder, langsam, verstanden ? »

    Kraus est libre de se tuer de fatigue s'il veut, mais pas quand nous travaillons à la chaîne et que notre rythme de travail dépend du sien.

    On entend la sirène de Carbure, les prisonniers anglais sortent, il est quatre heures et demie ; bientôt les ouvriers ukrainiens passeront et il sera cinq heures, nous pourrons nous redresser et songer qu'à l'exception de la marche pour rentrer, de l'appel et du contrôle des poux, rien ne nous séparera plus du repos.

    Voici la rentrée, on entend « Antreten » à chaque pas. Et, de toutes parts, rampent des pantins crottés qui étirent leurs membres engourdis et vont rapporter les outils dans les baraques. Nous arrachons les pieds à la terre gluante, nous prenons les plus grandes précautions pour que nos sabots ne restent pas embourbés et nous allons, ruisselants et vacillants, nous mettre en rang pour rentrer. « Zu dreien ! », trois par trois. J'ai essayé de me mettre à côté d'Albert, le travail nous a séparés toute la journée et nous aimerions nous parler mais quelqu'un m'a donné un coup de poing dans l'estomac et j'ai fini par me retrouver en arrière tout près de Kraus.

    Nous partons. Le Kapo marque le pas d'une voix dure : « Links, links, links. »

  • Primo Levi. « Si c'est un homme »
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