Alsace : l’art roman en Alsace
2. L’art roman en Alsace
Généralités
Architecture
Sculpture
Peinture, enluminure et vitrail
Objets d’art : ferronnerie et orfèvrerie
Carte de l’Alsace romane |
2.5. Objets d’art : ferronnerie et orfèvrerie
2.5.1. Introduction
L'édifice roman surprend presque toujours le visiteur par son dépouillement sévère. Certes, les éléments architecturaux, souvent conservés en totalité, captent légitimement l'attention. Mais les édifices, dépossédés au long des âges d'une grande partie de leur décor et de leurs trésors, s'offrent aux regards comme dénudés et privés de cette chaleur humaine qui permettait de les apprécier dans toute leur plénitude fonctionnelle et historique.
De ces aspects que sont les travaux du fer, ceux des métaux précieux et du verre, l'Alsace ne conserve que des œuvres rarissimes. Ce sont les « épaves » d'ensembles jadis très nombreux dont l'existence est une certitude fondée sur des textes descriptifs et sur la mention de techniciens, tel ce fondeur de cloches établi à Strasbourg au XIè ou son contemporain, l'orfèvre Willo de Murbach.
2.5.2. Ferronnerie
2.5.2.1. Le lustre de Wissembourg
L’ouvrage le plus significatif relève de la ferronnerie et de la fonte : c’est le grand lustre de fer forgé et argenté de l'ancienne abbaye de Wissembourg, don de l'abbé Samuel en 1070, qui était suspendu jusqu'à la révolution sous les voûtes de l'abbatiale de Wissembourg. Cet ouvrage de 6m de diamètre avait la forme d'une quintuple couronne dont les éléments, échafaudés en pyramide étaient maintenus les uns aux autres par des arbalétriers et sommés d'une pomme de pin. Il était hérissé de 348 fins pinacles sur lesquels étaient piquées des bougies allumées lors des grandes fêtes. La ceinture inférieure en cuivre ciselé avait l'apparence des remparts d'une ville, la Jérusalem céleste selon le chapitre XXI de l’Apocalypse, alternant 12 tours rondes et 12 tours carrées : ces dernières abritaient le collège des apôtres. Une longue inscription en vers la célébrait comme la préfiguration de la Jérusalem céleste. Une copie réduite en bois exécutée juste avant la Révolution est conservée au musée Westercamp de la ville. Ces couronnes sont fréquentes au XIè en Allemagne, comme à Hildesheim, Combourg et Spire, mais l'abbé Samuel les a toutes surpassées par les dimensions données à la sienne.
2.5.2.2. Les portes de saint Jean les Saverne
Autre oeuvre de ferronnerie, les pentures de fer forgé de la porte de l'église de Saint-Jean Saverne, créées entre 1140 et 1165, dont se sont inspirées les créateurs des pentures de l'église paroissiale de Saverne.
Saint Jean les Saverne : l’église saint Jean Baptiste. Ferrures des portes |
2.5.2.3. Le heurtoir de Saint Jean de Wissembourg
Il y a enfin un magnifique heurtoir en bronze à tête de fauve, provenant de la porte de la sacristie sud de Saint Jean de Wissembourg et datant du XIIè. Il est conservé au musée Westercamp à Wissembourg.
2.5.3. Orfèvrerie
Les rares travaux d'orfèvrerie conservés ne semblent pas devoir être attribués à des ateliers locaux. Toutefois les textes font connaître deux ateliers monastiques alsaciens de l'époque romane. Au XIè, celui de l'abbaye d'Ebersmunster, dirigé après 1040 par l'abbé Willo, orfèvre lui-même ; son activité se poursuit sous l'abbatiat d'Adelgaud, lequel y fait forger en 1077 la couronne de Rodolphe de Rheinfelden, le concurrent et adversaire de l'empereur Henri IV. Au XIIè, c’est l'atelier de Marmoutier, connu par deux textes : la chronique de Muri signale une grande châsse en bois recouverte d'ivoire à représentations sculptées qu'un certain Adalbert avait rapportée de Marmoutier, et une charte du fonds de Marbach mentionne que frère Balderat, dirigeant la cour domaniale de Marmoutier à Eguisheim, avait confectionné et offert à l'église paroissiale du lieu en 1150 une châsse contenant des reliques de saint Martin.
De tous les riches trésors des églises d'Alsace, n’ont été sauvés que de rares éléments :
2.5.3.1. Les châsses de Reiningue
Deux châsses du XIIè siècle proviennent du prieuré des chanoines réguliers de Saint Augustin d'Oelenberg, fondé par la mère de Léon IX, Helwige d'Eguisheim ; elles sont conservées aujourd'hui dans l'église de Reiningue (Haut-Rhin) :
Reiningue : La petite châsse |
- La grande châsse, dite de « Saint Roman », d'argent partiellement doré sur âme de bois, est une oeuvre remarquable, ornée d'arcatures sous lesquelles se détachent le Christ en majesté entre les apôtres et la Vierge entourée de saints ; rampants à médaillons et rinceaux, oeuvre signée du monogramme « G. W. ». Ces reliefs datent d’environ 1150-1160.
- La petite châsse, le « Petit reliquaire » avec arcatures plus simples, présente pareillement le Christ bénissant entouré de vierges sages et de vierges folles, et la Vierge avec des religieuses ; médaillons de même sur les rampants. Les reliefs n'ont pas la qualité de ceux du reliquaire de Saint Roman et pourraient être l’œuvre d'un orfèvre local. Ils sont d'une date plus récente.
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2.5.3.2. La croix d’Orbey
La croix processionnelle d'Orbey avec Christ et argent et émaux champlevés. Elle provient probablement de l'abbaye cistercienne de Pairis fondée en 1138. Il y a une certaine parenté avec les personnages de la Châsse de Saint Héribert de Deutz en Rhénanie ; on peut en conclure à un travail de l'école mosane, dont l'exécution se situerait entre 1155 et 1175.
2.5.3.3. Le buste reliquaire de saint Cyriaque
Le buste reliquaire de Saint Cyriaque d'Altorf : argent en partie doré sur âme de bois. La « notitia Altorfensis » prétend qu'il s'agit d'un cadeau du pape Léon IX. Mais le style s'oppose à une datation aussi ancienne. Il faut pencher pour une exécution de la fin du XIIè avec un remaniement dans la première moitié du XIIIè par un orfèvre sans doute Lorrain.
Altorf : buste reliquaire de saint Cyriaque |
2.5.3.4. Divers
Ce petit groupe ne comprend ni les devants d'autel, ni les croix reliquaires monumentales qui ont été assez nombreux en Alsace. Des tables recouvertes de plaques d'or et incrustées de gemmes et de pierres précieuses ornaient le maître autel des abbayes carolingiennes d'Erstein et d'Andlau. L'abbé Samuel de Wissembourg avait également fait don d'un antependium d'autel à son abbaye. Aucun des trois n'a survécu à la guerre de Trente ans.
Quant aux croix couvertes de plaques d'argent et de reliefs moulés au repoussé, celles de Strasbourg et de Niedermunster, renfermant des reliques insignes, attiraient les pèlerins. La première remontait peut être à l'époque carolingienne, le riche décor de scènes symboliques de la seconde fut l’œuvre de l'abbesse Edelinde en 1197.