Nazisme : les opérations « T4 » et « 14F3 » (2ième guerre mondiale 1939-1945)
4. L’euthanasie des enfants
Le 19 août 1939, deux semaines avant le début du conflit mondial, les sages femmes, accoucheurs et médecins sont tenus par décret de signaler toute naissance d’enfants handicaps. Ce décret est rétroactif et concerne les enfants jusqu’à l’âge de trois ans. Il sera étendu courant 1941 aux enfants jusqu’à 16 ans.
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10 août 1939 : juste avant les premiers jours de la guerre, mot d’ordre explicitant les actions d’euthanasie vis-à -vis des enfants nouveau nés.. |
Médecins et sages femmes sont tenus de lister sur dossier lors de la naissance les enfants :
- Idiots ou mongols ;
- Sourd muets ;
- Souffrant de microcéphalie ;
- Souffrant d’hydrocéphalie ;
Souffrant de malformations, de toute sortes (crâne, membre, colonne vertébrale…)
- Souffrant de paralysie des membres…
Les dossiers sont transmis au service médical « Reichsausschuß », services IIb du KdF (Kinderfachabteilung) où deux médecins, Hans Hefelmann et von Hegener, responsables de l’euthanasie des enfants, les examinent et décident. Plus tard on fera appel à d’autres « experts » comme Werner Catel, Hans Heinze et Ernst Wentzler (1891-1973). Les médecins experts qui décident de la vie et de la mort des enfants ne voient même pas leurs victimes : un «  » sur le dossier, c’est la mort. Un « - », c’estla vie sauve. En cas de doute, un « B » sur le dossier permet un examen plus approfondi de l’enfant dans l’institut et un nouveau rapport après quelques semaines…
L’euthanasie débute immédiatement après l’entrée en guerre avec l’assassinat de ces enfants. La mise à mort se fait par injection d’une surdose de phénobarbital, connu sous le nom de « Luminal », ou de véronal ou encore de morphine ; on tue aussi en laissant les enfants mourir de faim. La loi prévoit l’accord des parents ; mais ceux-ci sont très rarement consultés et ne connaissent pas le sort de leur enfant. Les certificats de décès parlent systématiquement d’une mort « naturelle » suite au typhus, à une pneumonie, à la tuberculose.
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Le docteur Ernst Illing succède au docteur Erwin Jekelius de 1942 à 1945 comme directeur médical de la clinique neurologique « Am Spiegelgrund » de Vienne. Il est un des principaux responsables de l’euthanasie des enfants. Il sera condamné à mort et exécuté à Vienne en 1946. |
Le nombre de victime de cette action qui précède T4 est estimé à au moins 5 000 enfants. Avec les enfants (jusqu’à 16 ans) éliminés lors de T4, le total des victimes atteint vraisemblablement le chiffre de 10 000.
Tous les enfants désignés pour l’élimination ne sont pas immédiatement tués. De nombreux enfants servent des mois durant à la recherche scientifique. A cet effet sont créés par les nazis plus de trente centres de recherches neurologiques concernant les enfants, les « Kinderfachabteilungen »… C’est le cas de la section infantile d’Eichberg dirigés par Walter Schmidt, qui collabore étroitement avec le directeur de la clinique neurologique de l’Université de Heidelberg, le professeur Carl Schneider… Après avoir servi de cobayes au professeur, les enfants sont renvoyés à Eichberg pour y être tués, et leurs cerveaux, prélevés, retournent chez le professeur Schneider pour des examens d’histopathologie… Il en va de même pour le Kaiser-Wilhelm-Institut (KWI) de Berlin-Buch (aujourd’hui institut Max Planck) ou œuvre le professeur Julius Hallervorden, qui se fait une « collection » de 600 cerveaux de victimes de l’euthanasie. A Bernburg opère le docteur Heinrich Bunke (1914-2001), spécialement formé au KWI par Hellervorden : il repère les victimes, marque celle qu’il veut « traiter » d’une croix rouge sur le dos. C’est lui qui sans doute tourne la manette des gaz. Il récupère ensuite les cadavres marqués (les autres sont incinérés), les dissèque dans une salle spécialement aménagée, prélève leurs cerveaux qui sont expédiés au KWI.
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Carte des instituts pour enfants handicapés où fut pratiquée l’euthanasie à grande échelle dans le Reich entre 1940 et 1945 |
Dans d’autres établissements, les recherches sont effectuées directement sur place, souvent après la création d’un département de recherche : c’est notamment le cas de la clinique « Am Spiegelgrund » qui dépend de l’institut « Steinhof » de Vienne, où œuvre le docteur Heinrich Gross (1915-2005) : il publiera entre 1950 et 1960 plusieurs articles sur ses « recherches »…
| Steinhof-Vienne : état en mai 1943 concernant les enfants handicapés amenés de Mönchengladbach au « Spiegelgrund », annexe pour enfants de Steinhof. La moitié des enfants transférés a déjà disparu à cette date |
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| Steinhof-Spiegelgrund : liste N°10 établie avant août 1941 d’enfants handicapés envoyés à Hartheim… Aucun ne reviendra |
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| Steinhof-Spiegelgrund : liste N°10 établie avant août 1941 d’enfants handicapés envoyés à Hartheim… Aucun ne reviendra |
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| Le docteur Heinrich Gross, médecin au Pavillon 15, le pavillon du « Spiegelgrund » où les enfants étaient euthanasiés, récupérait les cerveaux des enfants pour les étudier. Non inquiété après la guerre, il poursuit sa carrière à la clinique Steinhof et obtient même en 1968 un prix pour ses recherches sur le cerveau.. |
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| Le docteur Hans Krenek, directeur général du « Spiegelgrund » à partir de 1942, put continuer en toute impunité sa carrière de pédagogue au service de la ville de Vienne après 1945 |
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