En 1883 est ouverte à Hadamar près de Coblence une maison de redressement pour des prisonniers libérés. Comme il y avait de plus en plus de patients malades mentaux, l’établissement est transformé en 1906 en hôpital psychiatrique. Jusqu’en 1930 il accueille 320 patients. A partir de 1934, les conditions de vie dans le centre se dégradent nettement et rapidement il est surpeuplé : en 1939 il y a 600 patients dans l’établissement. A partir d’août 1939, beaucoup de patients sont transférés dans des établissements proches, car les nazis prévoient de transformer l’établissement en hôpital militaire. Mais entre novembre 1940 et janvier 1941 le centre est pris en main par le personnel T4 : les chambres sont réaménagées en logement pour le personnel, et dans la cave on installe une chambre à gaz et un crématoire avec deux fourneaux.
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Hadamar : plan du rez de chaussée et de la cave de l’institut |
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Hadamar, vue générale |
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Hadamar: le château |
A Hadamar, le processus de mise à mort est exactement le même que dans les autres centres d’euthanasie : les victimes descendent du bus dans le garage, et de là se rendent à travers un « boyau », passage fait de clôtures barbelées (préfiguration des « Schläuche » de l’« Aktion Reinhard »), vers les installations d’accueil et d’enregistrement. Puis le processus suit son cours, immuablement :
- Enregistrement ;
- Déshabillage et remise des effets personnels (bagues, bijoux, montre…) au personnel ;
- Examen médical superficiel, pour détecter éventuellement une affection ou une maladie pouvant servir d’alibi de décès vis-à -vis de la famille ;
- Relevé photographique de la victime ;
- Accompagnement vers la chambre à gaz et gazage ;
- Crémation du corps ;
- Remplissage des urnes ; il est d’ailleurs d’aucune importance pour le personnel de quel corps proviennent les cendres…
- Envoi de l’urne funéraire et du certificat de décès à la parenté de la victime.
| Hadamar: le krématorium en action |
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| Fumée noire sur Hadamar |
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Le premier transport de malades mentaux arrive à Hadamar le 13 janvier 1941 avec des patients de l’hôpital psychiatrique d’Eichberg. A partir de cette date, presque chaque jour arrivent de grands autobus gris, amenant leurs cargaisons de victimes de 9 établissements psychiatriques de nombreux district voisins du Land de Prusse (Hesse-Nassau, Westphalie, Hannovre, Rhénanie) et des Länder de Hesse, Bade et Wurtemberg : Herborn, Weilmünster, Eichberg-Kiedrich, Kalmenhof, Scheuern-Nassau, Galkhausen-Langenfeld, Andernach, Wiesloch, Weinsberg. Chaque jour, jusqu’en août 1941, environ 100 personnes sont ainsi « traitées »…
| Hadamar: le garage |
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| Hadamar: le crématorium |
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| Hadamar : l’immeuble principal de l’institut |
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Les 24 août 1941, sur ordre de Hitler, l’action euthanasie est stoppée à Hadamar. A cette date, 10 072 personnes ont été gazées, « desinfiziert », « désinfectées » selon le vocabulaire en cours… Les installations de gazage et d’incinération sont démontées et les autres installations retransformées en chambres de malades. Une partie du personnel T4 est envoyé en Pologne pour un même type de mission, mais à une échelle beaucoup plus importante avec d’autres victimes, bien portantes mais juives…
| Hadamar: le cimetière. Photo prise en avril 1945 |
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| Hadamar: une victime : « Transférée à Hadamar… » |
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| Hadamar: une équipe de soignants, début 1945 |
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Le 31 juillet 1942, le complexe de Hadamar est à nouveau confié au district de Nassau pour retrouver sa fonction première sous la direction du professeur Adolf Wahlmann et de l’administrateur Alfons Klein. Sous leur responsabilité, s’ouvre une seconde phase de meurtres à partir du 13 août, avec des méthodes plus discrètes que le gazage : médecins et soignants utilisent des injections de poison ou de surdoses de médicaments, ou alors planifient la mort des patients par la faim : 900 personnes sont ainsi exécutées en août et enterrées dans le cimetière de l’établissement. A partir de septembre, elles seront inhumées dans des fosses communes camouflées en tombes individuelles. En avril 1943, 34 enfants juifs « Mischlinge » sont assassinés par injection ; à partir de juillet 1944 arrive le tour de 468 « travailleurs de l’est » soupçonnés de tuberculose : 274 hommes, 173 femmes et 21 enfants (dont 375 Russes et 63 Polonais) ; en octobre 1944, plus de 700 patients sont parqués dans l’établissement, prévu pour 320 personnes. La plupart disparaît…
Ainsi, entre le 13 août 1942 et le 24 mars 1945, 4 817 handicapés mentaux ou physiques ont été transportés à Hadamar par la « Gekrat », l’organisation de transport de T4 : 4.422 d’entre eux sont morts d’une « mort naturelle » qui ne l’était en aucun façon… Le 26 mars 1945 les troupes américaines entrent à Hadamar. Dans la pharmacie de l’établissement, ils trouvent 10kg de véronal et de luminal, de très puissants somnifères…
| Une survivante de Elizabeth Killiam, 23 ans. Maman de jumeaux, elle fut stérilisée à Weilburg avant d’être transférée à Hadamar. Photographie prise par un militaire américain à la libération. |
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| Hadamar : un survivant |
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| Hadamar : un survivant |
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| Hadamar : bouteilles de morphine retrouvée par les enquêteurs sur les crimes de guerre |
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Certains membres du personnel de T4 de Hadamar sont jugés en 1945 à Wiesbaden et en 1947 à Frankfurt/M. Ils sont jugés coupables du meurtre d’environ 10 000 personnes. Tous seront graciés en 1950.
A Hadamar, au moins 14 494 personnes ont été assassinées.
On retrouvera de nombreux « soignants » de Hadamar dans l’« Aktion Reinhard » : Kurt Arndt, Kurt Bolender, Max Bree, Kurt D., Werner Dubois, Karl Frenzel, Hubert Gomerski, Karl Gringers, Willy Grossmann, Gottlieb Hering, Josef Hirtreiter, Robert Jührs, Erwin Kainer, Johann Klier, Fritz Kraschewski, Erwin Lambert, Werner Mauersberger, Willi Mentz, August Miete, Philipp Post, Wenzel Rehwald, Karl Schluch, Erich Schulz, Hans-Heinz Schütt, Erwin Stengelin, Franz Suchomel, Heinrich Unverhau, Christian Wirth, Franz Wolf, Ernst Zierke…